Ce tétraèdre semble régulier. Comment s'en convaincre rigoureusement ?
Tétraèdre régulier
Un polyèdre régulier convexe est un polyèdre dont toutes les faces sont des polygones réguliers convexes isométriques, en même nombre autour de chaque sommet.Un tétraèdre régulier est simplement une pyramide dont les quatre faces sont des triangles équilatéraux.
Prouver que le tétraèdre obtenu est bien régulier, revient simplement à montrer que les triangles qui forment ses faces sont équilatéraux.
Pliage
Si on déplie le tétraèdre obtenu par la séquence de pliage décrite par Benoît dans sa vidéo, on obtient la figure suivante :On y voit plusieurs triangles qui semblent équilatéraux.
En reprenant le pliage de la bande (A4 plié selon sa longue médiane) depuis le début et en s'intéressant au premier pli effectué dans cette bande, on a la figure suivante :
Clairement, par le pliage successif en banderole, si le premier triangle formé DFG est bien équilatéral, les autres le seront aussi.
Exploration mathématique
Comment se convaincre que le triangle DFG est équilatéral ? Nous proposons ci-dessous trois justifications. La première n'est pas une justification totalement rigoureuse, car elle se base sur une constatation visuelle. C'est néanmoins un premier niveau d'argumentation, accessible à de jeunes élèves. Les deux justifications suivantes sont de vraies démonstrations, rigoureuses. L'une fait appel à un changement de point de vue et à des symétries, l'autre aux cas d'isométrie des triangles. D'autres démonstrations sont possibles.Un premier niveau d'argumentation, pour les élèves plus jeunes
Voici une première justification, accessible à des élèves plus
jeunes. Ce premier niveau d'argumentation est intéressant dans un
premier temps. Mais, comme nous le verrons, cette justification n'est
pas entièrement rigoureuse, car elle se base à un moment sur une
"observation" qui s'apparenterait à du "mesurage". Un peu comme si vous
prétendiez démontrer qu'une figure obtenue par une construction donnée
est un carré en mesurant ses angles et ses côtés... plutôt que
d'exploiter des transformations du plan ou des figures isométriques.
- On construit le triangle DFG.
- On plie selon FG et on constate que le bord [DF] se superpose au bord inférieur de la feuille rectangulaire. Autrement dit, on remarque que les angles \widehat{AFD}, \widehat{DFG} et \widehat{BFG} se superposent.C'est ici que la justification n'est pas entièrement rigoureuse : on "observe" que les trois angles se superposent... mais rien ne nous dit que c'est théoriquement exact. On ne peut pas, sur base de cette seule observation , être sûr d'avoir bien trois angles de 60° et pas, par exemple, deux angles de 59,87° (ceux qui sont isométriques par construction) et le troisième (celui qui semble se superposer lors du pli selon EF) de 60,26°.Ils ont donc tous les trois même amplitude |\widehat{AFD}|=|\widehat{DFG}|=\widehat{BFG}.
Or (en dépliant la feuille), on a aussi : |\widehat{AFD}|+|\widehat{DFG}|+\widehat{BFG}=180°.
Donc ils mesurent chacun le tiers de 180°. En particulier, |\widehat{DFG}|=60°. - On continue ensuite le pliage en banderolle, et de la même manière, en constatant la superposition, on observe que l'angle \widehat{DGF} mesure 60°.
- Le troisième angle du triangle, \widehat{FDG}, mesure également 60° et le triangle DFG est équilatéral.
Une première démonstration, ne nécessitant pas d'utilisation de triangles isométriques
La démonstration qui suit est basée sur des symétries et des angles. Elle utilise un changement de point de vue : on tourne la feuille. Elle est accessible à des élèves de début du secondaire.
- On va d'abord s'intéresser au triangle ADE.
- On effectue un changement de point de vue (voir à ce sujet l'article Instruments de la pensée géométrique de Thérèse Gilbert du Groupe d'Enseignement Mathématique) qui permet de voir [AD] comme la base du rectangle ABCD.
- Dans cette position, considérons le point E obtenu en amenant le sommet A sur la médiane par un pli [DF] passant le sommet D.
- Par pliage, |DE|=|DA|, puisque [DE] est l'image de [DA].
- Par ailleurs, la médiane du rectangle ABCD est aussi la médiatrice du segment [AD]. Dès lors, |DE|=|AE|, puisque la médiatrice d'un segment est le lieu des points équidistants des extrémités de celui-ci.
On pourrait aussi parler en terme d'axe de symétrie. - Par conséquent |DE|=|DA|=|AE| et le triangle ADE est équilatéral car il a trois côtés de même longueur.
- Regardons à présent le triangle DEF.
- Puisque DF est par construction l'axe de symétrie de l'angle \widehat{ADE}, et qu'on a montré que ce dernier mesurait 60°, on a |\widehat{ADF}|=|\widehat{EDF}|=30°.
- Par ailleurs, par pliage, l'angle \widehat{DEF} est droit (il s'agit de l'image de \widehat{DAF} par symétrie d'axe DF.
- Dès lors, puisque la somme des amplitudes des angles intérieurs au triangle DEF doit valoir 180°, on a |\widehat{DFE}|=60°.
- Il nous reste à présent à nous pencher sur le triangle DFG.
- On vient de montrer que |\widehat{DFG}|=60°.
- On a également déjà montré que |\widehat{ADE}|=60°. Son complémentaire \widehat{EDG} mesure donc 30°. Sachant que |\widehat{EDF}|=30°, on déduit donc que |\widehat{FDG}|=60°.
- Le triangle DFG possède donc deux angles de 60°. Son troisième angle \widehat{DGF} mesure donc également 60°. On en déduit que DFG est un triangle équilatéral.
Une deuxième démonstration, se basant sur les cas d'isométrie des triangles et le théorème de Thalès
La démonstration qui suit est basée sur les cas d'isométrie des triangles et le théorème de Thalès. Elle est accessible à des élèves du milieu du secondaire.
- Les triangles AFD et EFD sont isométriques par construction : EFD est l'image de AFD par symétrie orthogonale d'axe DF.
- Montrons à présent que le triangle DEG est isométrique à DEF.
- La médiane [MN] étant parallèle aux côtés [AB] et [CD] du rectangle, le théorème de Thalès donne \frac{|FE|}{|GE|}=\frac{|AM|}{|DM|}. Comme |AM|=|DM|, on a |FE|=|GE|.
- Par ailleurs, puisque \widehat{DEF} est droit et que F, E et G sont alignés, l'angle \widehat{DEG} est droit également.
- Dès lors, les triangles DEG et DEF ont une paire d'angles homologues de même amplitude (|\widehat{DEG}|=|\widehat{DEF}|) compris entre deux paires de côtés homologues respectivement de même longueur (|DE|=|DE| et |GE|=|FE|). Ils sont donc isométriques.
- Les trois triangles DAF, DEF et DEG étant isométriques et l'angle ADG étant droit, on trouve |\widehat{ADF}|=|\widehat{EDF}|=|\widehat{EDG}|= \frac{90°}{3}=30°. Les angles \widehat{EFD} et \widehat{EGD} étant respectivement complémentaires à \widehat{EDF} et \widehat{EDG}, ils mesurent donc tous deux 60°.
- Ses trois angles mesurant 60°, le triangle CFG est donc équilatéral.
Bibliographie
Ce pliage fait partie des classique de l'origami. On le trouve par exemple dans l'ouvrage :- Didier Boursin et Valérie Larose, Pliages et mathématiques, ACL - Les éditions du Kangourou, deuxième édition, 2000.
- Patricia Wantiez et Laure Ninove, Exploiter le pliage pour démontrer au milieu du secondaire, Revue Losanges, n.20, SBPMef, mars 2013, pp. 32-42.
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