mardi 15 septembre 2015

Une équerre 30°-60° en pliage

On peut trouver sur le web des instructions ou des vidéos permettant de réaliser une équerre 30-60 en pliant une feuille rectangulaire ou carrée, mais souvent sans justification mathématique...

Nous vous proposons ici de d'abord découvrir un pliage de cette équerre et ensuite de justifier mathématiquement que les angles obtenus par ce pliage mesurent bien $30°$ et $60°$. Nous discuterons de deux niveaux d'argumentation possibles.


Un pliage possible

Soit une feuille de papier carrée $ABCD$ (on peut aussi prendre un rectangle avec $|AB|\le|BC|$).
Plier pour amener $[BC]$ sur $[AD]$. Déplier. Nommer $[MN]$ le pli obtenu, avec $M\in[AB]$ et $N\in[DC]$.
Faire un pli passant par $A$ qui amène $B$ sur le pli $[MN]$. Appeler $E$ l'intersection de ce pli avec le côté [BC] de la feuille. Appeler $F$ le point de $[MN]$ sur lequel $B$ a été envoyé.

Le triangle $AEF$ (ou $AEB$) est l'équerre qui nous intéresse. On va continuer à plier pour cacher les volets excédentaires et rendre l'équerre plus solide.

Plier selon $EF$ puis cacher ce volet sous le volet $AEB$.
Plier selon $AE$, puis cacher ce volet sous le volet $AEB$. (Si on a pris un papier rectangulaire, comme du A4, il se peut qu'il faille d'abord replier un petit volet triangulaire encore visible, puis cacher le grand volet sous le volet $AEB$.)


    Exploration mathématique

    On nous dit que le triangle obtenu ($AEF$ ou $AEB$) est une équerre 30-60, mais peut-on se convaincre que les amplitudes de ces angles sont réellement de $30°$, $60°$ et $90°$ ?

    Avant de lire la suite, prenez le temps de réfléchir par vous-mêmes !

    Un premier niveau d'argumentation, pour les élèves plus jeunes

    Voici une première justification, accessible à des élèves plus jeunes. Ce premier niveau d'argumentation est intéressant dans un premier temps. Mais, comme nous le verrons, cette justification n'est pas entièrement rigoureuse, car elle se base à un moment sur une "observation" qui s'apparenterait à du "mesurage". Un peu comme si vous prétendiez démontrer qu'une figure obtenue par une construction donnée est un carré en mesurant ses angles et ses côtés... plutôt que d'exploiter des transformations du plan ou des figures isométriques.
    • Les triangles $AEB$ et $AEF$ sont identiques (superposables, isométriques) par construction : on a construit $AEF$ en lui superposant $AEB$.
    • Puisque $ABCD$ est un carré ou un rectangle, l'angle $\widehat{B}$ est droit. Les triangles $AEB$ et $AEF$ sont donc des triangles rectangles.
      C'est pour ça qu'on les appelle des "équerres".
      En particulier, on a \[|\widehat{AFE}|=90°.\]
    • Par ailleurs, puisque $AEB$ et $AEF$ sont identiques, les angles $\widehat{AEB}$ et $\widehat{AEF}$ ont la même amplitude (ils se superposent par pliage).
    • Ensuite, en repliant (à l'étape 4 du pliage) selon $EF$, on a pu observer que l'angle $\widehat{CEF}$ se superposait aux angles $\widehat{AEB}$ et $\widehat{AEF}$.
      C'est ici que la justification n'est pas entièrement rigoureuse : on "observe" que les trois angles se superposent... mais rien ne nous dit que c'est théoriquement exact.  On ne peut pas, sur base de cette seule observation , être sûr d'avoir bien trois angles de $60°$ et pas, par exemple, deux angles de $59,87°$ (ceux qui sont isométriques par construction) et le troisième (celui qui semble se superposer lors du pli selon $EF$) de $60,26°$.
      Ils devraient donc tous les trois avoir même amplitude :  $ |\widehat{CEF}| = |\widehat{AEB}|=|\widehat{AEF}|.$
      Or (en dépliant la feuille), on a aussi :  $ |\widehat{CEF}| + |\widehat{AEB}|+|\widehat{AEF}|=180°.$
      Donc ils mesurent chacun le tiers de $180°$. En particulier, \[|\widehat{AEF}|=60°.\]
    • On peut ensuite raisonner de la même manière en pliant le long de $AE$ et en observant que l'angle $\widehat{FAD}$ se superpose aux angles $\widehat{FAE}$ et $\widehat{BAE}$ (superposables par construction, eux). Puisqu'ensemblent ils forment un angle droit (quand le papier est déplié), ils devraient chacun mesurer le tiers d'un angle droit. En particulier, \[|\widehat{FAE}|=30°.\]

    Une démonstration



    • Le segment $[AF]$ est par construction l'image du segment $AB$ par une symétrie orthogonale d'axe $AE$. Dès lors, $|AB|=|AF|$.
    • Par construction, le point $F$ appartient à $MN$ qui, par construction, est la médiatrice du segment $[AB]$ (en pliant pour amener $B$ sur $A$, on a fait un pli perpendiculaire à $[AB]$ passant par son milieu $M$). Donc, $F$ est équidistant de $A$ et $B$. Dès lors, $|AF|=|BF|$.
    • Par transitivité, $|AB|=|AF|=|BF|$ et le triangle $ABF$ est un triangle équilatéral.
    • Puisque $ABF$ est équilatéral, $|\widehat{FAB}|=60°$.
    • Par ailleurs, les triangles $FAE$ et $BAE$ sont isométriques par construction : $FAE$ est l'image de $BAE$ par symétrie orthogonale d'axe $AE$.
    • Les deux angles $\widehat{FAE}$ et $\widehat{BAE}$ sont donc isométriques. Nous venons de montrer que la somme de leurs amplitudes vaut $60°$. On a donc $|\widehat{FAE}|=|\widehat{BAE}|=30°$.
    • Les deux angles $\widehat{AFE}$ et $\widehat{ABE}$ sont également isométriques et mesurent $90°$ car $ABCD$ est un rectangle.
    • Puisque la somme des amplitudes des angles d'un triangle mesure $180°$, on déduit enfin que $|\widehat{AEF}|=|\widehat{AEB}|=60°$.
    • Les triangles $AEF$ et $AEB$ sont donc bien des triangles dont les angles mesurent $30°$, $60°$ et $90°$.

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